J6 - Monesterio - Fuente de Cantos - 20 km

 
Ce matin, le sac est léger. Objectivement, il ne l'est pas plus ni moins que les autres jours mais les autres jours, je n'en avais pas conscience, accaparée que j'étais, par mes pensées. 
Sac léger ou humeur légère ?

A la sortie de Monesterio, le chemin serpente entre des murets de pierres sèches, ce qui ramène le paysage à des dimensions plus humaines. 
Au rythme de la marche et au delà des murets, le paysage infuse lentement dans le corps et dans l'esprit. 

Et puis, je manque de marcher sur ce qui ressemble à des pétales de fleurs qu'on aurait jetés là. A y regarder de plus près, il ne s'agit pas de pétales, mais de quelques fleurs, sans feuilles, sans tiges, qui poussent au ras du sol, sur le chemin, dans le sable et les cailloux, à quelques cm, voire sur le passage des roues de véhicules. Et là, je suis saisie par la puissance de vie de la nature. 
Quelques mètres plus loin, ce sont les touches d'or que le soleil projette sur le  feuillage des chênes qui parfont mon émerveillement. J'en suis touchée, émue aux larmes. 
En général, cet état de grâce intervient après davantage d'étapes du Chemin, quand l'usure de la marche a fait son travail sur le corps et son nettoyage dans les élucubrations pléthoriques de l'esprit. Mais on ne choisit pas quand ça arrive. 
J'ai à peine fait 5 km et ma journée est déjà pleine. Le reste ne sera que bonus. 

Avec les magnifiques paysages qui suivent, cet état ne me quittera plus jusqu'à l'arrivée. 
Petite précision... Il ne me quittera plus jusqu'à l'arrivée sauf quand mes petits orteils échauffés viendront subrepticement faire quelques incursions dans cet état ! 

Puis, les murets et les chênes laissent place à de vastes espaces secs et sans arbres. C'est 
le domaines des vaches, visiblement habituées aux pèlerins, car l'une d'elles, placide, prend la pause pour me laisser prendre ma photo. 

Au sommet d'une petite montée, c'est un tout nouveau paysage de terres cultivées qui se déploie à perte de vue. On y aperçoit déjà au loin, le village de Fuente de Cantos. Mais je ne dois pas m'enflammer trop vite, il est encore à deux heures de marche ( environ 10km)

Ce sont ces types de paysages qui ramènent l'homme à sa juste dimension :  je me sens si minuscule et si insignifiante dans cette immensité et en même temps si riche de vie ! 
C'est ça que je suis venue chercher sur le Chemin. Une distance avec l'agitation du monde pour retrouver l'essentiel. Et pour MIEUX revenir au monde.

La fin de l'étape finit sous un ciel d'un bleu intense et parfait. La température est idéale. 

Aujourd'hui, je n'ai pas marché, j'ai volé. Cette étape est un cadeau ! 

L'émerveillement crée un appel d'air. L'éternel s'y
engouffre à la vitesse de la lumière dans un espace soudain vidé de tout.
Christian BOBIN

Le monde ne mourra jamais par manque de merveilles mais par manque d'émerveillement
G.K. CHESTERTON

En vrac : 
- le piaillement de dizaines d'oiseaux concentrés sur un seul arbre dans une rue de Monesterio
- le petit réglage du sac ce matin qui produit son effet : suppression de la douleur dans l'épaule gauche
- le son des dizaines de cloches d'un immense troupeau de moutons surveillé par un berger
- dans le bar où je prends mon petit déjeuner, des tireuses à bière comme il n'en existe nulle part ailleurs : en forme de jambon !
- le coulis de l'eau del Arroyo de la Dehesa que je suis sur quelques centaines de mètres
- une pensée pour Carole qui m'a dit " tu vas te régaler, c'est un chemin magnifique
- quand je photographie la borne qui marque la limite de la commune de Monesterio, mon téléphone reconnaît le QR code qui y figure : quand au milieu de nulle part, la technologie te rattrape.
- il fait frais ce matin, 8°. Je mets mon tour de cou en guise de bandeau pour protéger mes oreilles du froid. Et puis ça cachera la vilaine couleur que le coiffeur m'a faite avant de partir. Nos pensées n'ont pas toujours les envolées lyriques qu'on veut !
- petit passage périlleux d'un gué aux pierres chancelantes : surtout ne pas se mouiller les pieds sinon ampoules
- la démarche lente voire nonchalante de Franz. Ses jambes sont si longues qu'il fait un pas quand j'en fais 2.
- les fleurs par la suite plus nombreuses, et que je pense désormais être de colchiques, tapissant entièrement les côtés du chemin sur des km. 
- des touches de vert tendre ponctuant le paysage sec par ailleurs, probablement les conséquences des fortes pluies de la semaine dernière, provoquant des inondations relayées même en France.
- après quelques cubes de granit, je me rends compte que ce sont des balises du chemin !




















































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