Quand je m'assieds dans le bus qui me ramène de Santiago à Irun, je suis en train de fermer la page de ce merveilleux chapitre.
Pas tout à fait, car le bus parcourt à l'envers une partie du Primitivo et du Norte en passant par certains des endroits que j'ai parcourus à pied : Lugo, Oviedo, Bilbao, San Sebastián et je me repasse nostalgiquement le film de ce que j'y ai vécu.
Pas tout à fait non plus, car je voyage encore avec Carole jusqu'à Bayonne où nos chemins se séparent, définitivement ?, en tout cas momentanément.
Irún → Santiago : un mois à pied (32 jours)
Santiago → Irún : une nuit en bus !
Que de belles expériences personnelles mais aussi partagées. Que de belles rencontres pendant ces 5 semaines.
Et quelle mauvaise nuit passée dans ce bus !?!?!?
Au total, j'aurai marché 950 km sur 36 jours (et 22 000 m de dénivelé !?!?). J'aurai rencontré des dizaines de pèlerins, hospitaleros, responsables d'albergues, autochtones espagnols tous plus passionnants, accueillants, attendrissants les uns que les autres.
A la fin de la voie de Tours, je "craignais" déjà qu'il y ait un autre chapitre.
J'ai marché sur ce chemin avec des pèlerins sur leur 1er Camino (Yves), 5ème (Andréa), 6ème (Carole), 13ème (Pierre), 27ème (Juan Ma)...
Quand on vient de vivre ça, j'espère (je suis sûre) qu'il y en aura d'autres pour moi !
Prendre son temps,
est une subversion du quotidien.
Anachronique dans le monde contemporain, qui privilégie la vitesse, l'utilité, le rendement, l'efficacité, la marche est un acte de résistance privilégiant la lenteur, la disponibilité, la conversation, le silence, la curiosité, l'amitié, ...
Le marcheur est celui qui prend son temps et ne laisse pas le temps le prendre
David Le Breton
Sur cette Costa da Morte (côte de la Mort), Muxía est un autre lieu emblématique : « Tout meurt à Finisterre, tout renaît à Muxía », assure le dicton.
Selon la tradition, la Vierge Marie serait arrivée ici en barque de pierre, guidée par des anges, pour encourager l'apôtre Jacques à évangéliser la Galice. Le sanctuaire de la Virxe da Barca a été érigé en son honneur.
Ne connaissant même pas l'existence de Muxía, il y a encore un mois, je ne m'attends à rien de particulier si ce n'est une pointe rocheuse dans la mer, comme celle de Fisterra. Carole a la très bonne idée de ne rien me dévoiler.
Mais au détour du sentier qui nous mène au sanctuaire, les 2 clochetons apparaissent puis le bâtiment entier dans toute la splendeur de son environnement. On le dirait construit sur la mer. Alors qu'elle est au loin d'un calme serein, au pied du sanctuaire, elle est déchaînée. Les vagues se fracassent sur les rochers et font jaillir de gerbes d'écume blanche de plusieurs mètres de haut.
Je suis loin d'être une grande voyageuse, mais je n'ai jamais rien vu de tel, d'une telle puissance et d'une telle beauté. Le spectacle est si fascinant que nous y serions encore si le vent très froid ne nous en avait pas délogées.
Mais pas définitivement car nous y revenons au coucher du soleil et ce soir, le soleil se couche bien dans la mer et enflamme le ciel.
Je ne peux imaginer une plus belle fin à mon périple.
Ce matin, nous prenons tous les 3, le petit déjeuner dans le café d'en face de la station de bus.
Pour moi et Andréa, c'est quand même la 3ème séparation ! Pour Carole et Andréa, la 1ère.
Effet de la répétition, de la fin proche de l'aventure, du partage de l'émotion avec Carole ou de ne pas me retrouver seule après, cette séparation est moins difficile pour moi que celle de Casquita.
Andréa ne veut pas que nous attendions le départ de son bus. Carole et moi, partons donc vers Muxía.
Cette belle journée commence par une montée au dessus de la baie de Fisterra pour se poursuivre sur les hauteurs en passant par des forêts d'eucalyptus et de pins. Puis on atteint bientôt les crêtes qui dominent Muxía, avec leurs éoliennes et un point de vue à l'infini qui donne en même temps un sentiment de toute puissance et l'impression d'être une fourmi dans ce vaste monde.
La descente vers Muxía est un pur régal. La côte est magnifique et la mer, de ce côté y est sauvage et d'une puissance extrême.
Ces 4 étapes post Santiago ont été comme un sas entre le Camino et le retour vers le monde de la réalité.