J'aurai rencontré et partagé le chemin avec des pèlerins rapides, flaneurs, rêveurs, siffleurs, bavards, joyeux, solidaires, désorientés, fatigués, improvisateurs, organisés, aguerris, novices, jeunes, moins jeunes, à 4 pattes, solitaires, en groupe, en couple, français, néerlandais, espagnols, allemands, canadiens, polonais, italiens. 

J'aurai bénéficié de l'hospitalité de bénévoles, hospitaliers, particuliers bienveillants, désintéressés, ouverts, attentionés, chaleureux, généreux et que je remercie du fond du cœur de nous offrir ce chemin.

Mais n'allez pas croire que tout est idyllique sur le chemin. Comme partout, il possède son lot de nos petites imperfections, mesquineries, déceptions, que j'ai volontairement passées sous silence car ce n'est heureusement pas le volet le plus important et surtout je ne veux me rappeler que des bonnes ondes que j'ai reçues. 

Car, pour moi c'est ça le chemin. 

Débarrassés de nos contraintes, de nos carcans habituels, notre vie est réduite à l'essentiel : manger, dormir, marcher. Du coup, nous ne pouvons qu'être ouverts au monde, aux autres, à soi.

Fin de ce chapitre, car à n'en pas douter, je crains (?!?) qu'il y en ait d'autres.

C'est encore plus vrai au gîte municipal. L'inscription se fait un peu à la chaîne, anomymement. Les 3 dortoirs ont une douzaine de lits chacun et sont, à mon installation, à moitié pleins. 

Je profite du temps gagné sur la lessive pour aller visiter la ville, que je connais par ailleurs pour y être venue une fois en vacances, et pour me faire une soirée restaurant avec un jambon piperade, gâteau basque et Irrouleguy. 

À mon retour au gîte, le dortoir est plein. Certains sont déjà dans leur lit, d'autres s'installent. Il est encore tôt, mais paradoxalement, c'est plutôt silencieux. 

Ce matin, dès 6h, la vie commence à reprendre. On n'entend que le bruit des sacs à dos que l'on zippe et dézippe, des sacs plastiques que l'on ouvre, ferme, déplace, des échelles (des lits superposés) que l'on descend. Pas une parole. J'aurais bien aimé faire partie du mouvement, mais voilà, mon bout de chemin s'arrête ici. 

Le gros des troupes a quitté le dortoir quand je sors de mon lit pour aller prendre mon petit déjeuner dans une salle commune quasi vide. 

À 7:30, j'ai Saint-Jean-Pied-de-Port pour moi toute seule, sous le soleil ! 

J'achète 2 livres (sur le chemin bien sûr) à la boutique du pèlerin (ouverte dès 6:30), feuillète les guides sur le chemin en Espagne et pars déambuler dans les rues désertes. Je sais que les bibelots souvenir ont vocation à finir au  placard, alors j'achète un gâteau basque, qui, j'en suis sûre, va faire des heureux à Tours.

Sur le chemin de la gare, un gros cafard m'envahit. 

Le chemin est fini pour moi, cette fois-ci !

Les petites collines d'hier sont devenues de verdoyantes collines beaucoup plus hautes. Les pics enneigés des Pyrénées se rapprochent progressivement. Les moutons ont fait leur apparition sur les côteaux. 

Il a plu cette nuit et je ne tarde pas à découvrir de nouveaux passages boueux. Heureusement que j'ai mes bâtons ! Entre les montées et la boue, j'avance lentement. En 45 min je n'ai fait que 3 km, la journée va être longue...

Et puis les surprises du chemin, sur un point culminant, au milieu de nulle part, une sculpture monumentale : le reflet du ciel de Christian Lapie. 

Au détour d'un chemin je photographie rapidement ma première stèle basque  et je découvre quelques mètres après que c'est LA stèle de Gibraltar qui marque le point de rencontre des 3 chemins français. Je l'imaginais très grande, elle est petite ; je l'imaginais au sommet d'une colline, elle est située au cœur d'un petit hameau ! Un peu déçue

Pour monter à la chapelle de Soyarce, le chemin est maintenant à même le rocher, commen sentier de montagne. J'y trouve un berger venu l'entretenir, tout dépité de ne pas retrouver les pots qui doivent accueillir les fleurs qu'il a apportées depuis sa maison plus bas. 

C'est en redescendant que les choses se gâtent, car une grosse pluie s'abat en quelques secondes. Heureusement, j'ai, par la force des choses, acquis une technique efficace pour enfiler ma cape de pluie. Facile, me direz-vous.  Certes, mais avec un sac à dos, c'est une toute autre histoire. Il forme une bosse insurmontable, coinçant la cape sur le cou. Je vous passe les diverses tentatives de manœuvres plus ou moins efficaces, dont une m'a valu une douleur de 2 jours dans le dos, avant d'en arriver là ! 

Avec les montées, la boue la pluie, on a le sommum de ce que je pense être le pire pour marcher ! Retirez un critère et ça va tout de suite mieux. 

À Ostabat, je fais une pause café et refroidissement des pieds. Quand je repars il ne pleut plus, mais la boue est toujours là, mais une nouvelle forme, bien collante et glissante. Je manque de tomber plusieurs fois. Et là c'est l'overdose ! Dès que le chemin emprunte la départementale, ma décision est prise. Je finirai les 15 derniers km sur la départementale. 

Rien n'oblige le pèlerin à s'imposer des galères quand il a le choix. D'autres préféreraient la boue, moi je choisis les voitures ! Du coup mon esprit est enfin libre de vagabonder,  après avoir passé 4h à scruter à chaque instant tous les centimètres carrés du sol pour trouver le point d'appui le moins mauvais 

Je fais tout de même quelques infidélités à la départementale quand je suis sûre que le chemin sera goudronné, comme à Gamarthe où je déjeune près de l'église mairie ! Et comme à SaintJean le vieux ce qui me permet de rentrer dans Saint-Jean-Pied-de-Port ( sous la pluie) par la porte saint Jacques comme tous les pèlerins depuis des centaines d'années 

Mais comme s'inquiéter ne changera pas la difficulté de l'étape, je passe à autre chose. 

Le temps est magnifique, le paysage commence à ressembler au pays Basque. À chaque parcelle, j'entends les ruisseaux qui coulent abondamment. Le chemin est principalement de la route ou du sentier caillouteux, finie la boue d'hier Tout est parfait. 

Les km défilent.

Les petits, voire très petits villages se succèdent : Leren, Saint Pé de Lérins, Arrancou avec sa jolie église du XIIIe, Bergouey, Villenave, et leurs lots de chiens. Pas une maison n'a pas son chien qui aboie et donne l'alerte à son voisin.

Parfois le fléchage est plus qu'aléatoire en nous faisant passer par un tout petit chemin qui descend beaucoup puis remonte, alors qu'une toute petite route arrive au même endroit, mais en pente plus douce. 

Je prend ma pause déjeuner à Labetz. Il ne me restera plus que 9 km qui s'avéreront en faire 11 ! 

Les panneaux indicateurs sont désormais en Français et en Basque.

Il fait chaud et le chemin ombragé en descente douce après Garris, fait du bien. Je me laisse pousser par le poids du sac. 

Finalement, je ne m'en sors pas si mal.

À l'Office de Tourisme de Saint Palais où je fais tamponner ma crédencial, la personne me dit que demain le chemin commence par un fort dénivelé de 300m jusqu'à la croix de gibrzltar, point de rencontre entre les 3 chemins français. 

Mais demain est un autre jour ! 

Je lui dis que je m'appelle Diette, comme elle et tout en visitant le gîte nous voilà lancées dans la généalogie de nos familles, sans pour autant trouver de point commun. 

Le gîte est vraiment magnifique. La commune a réhabilité une grange du village avec goût, et de très beaux matériaux. Rien ne manque et tout est fonctionnel.

Jean-Louis et Nicole, originaires de Habas, sont les hospitaliers qui officient cette semaine. C'est leur façon de faire le chemin, à défaut de celui qu'ils auraient dû faire cette année mais qu'ils ont dû annuler. Ils vont être aux petits soins avec nous. Je dis nous, car c'est bientôt Maëva, Jesus et Ivana que je retrouve avec plaisir. Maeva, en attendant sa pizza chez Dello à Taller, a fait un malaise qui lui a valu une visite à l'hôpital de Dax, ainsi qu'un jour de repos forcé. 

Un peu plus tard, c'est Laurent, revu plus récemment, qui arrive après s'être perdu et avoir fait quelques détours. Nous avons passé une belle soirée notamment grâce à l'excellent gâteau au chocolat de Nicole, même si Jean-Louis m'avait oubliée et fermé dehors, et grâce aux histoires de chemin et de pèlerins passés par ce gîte. Hier, c'était Han et Rose qui y dormaient.

Ce matin, je fais mes adieux à Maeva, Jesus et Ivana. Ils partent vers Bayonne, alors que je m'achemine vers Saint-Jean-Pied-de-Port.