Suite à un désistement, une place s'est libérée et compte tenu du froid, les hospitaliers en place me proposent de venir directement alors que le gîte n'ouvre qu'à 15h. 

Je relaisse un message pour m'excuser auprès du camping et je me précipite, vers le gîte, 1km plus loin, où la chaleur est le mot d'ordre : chaleur du petit appartement cosy et confortable mais aussi chaleur de l'accueil des hospitaliers de la semaine : Marc et sa femme Christine. 

Marc a fait le chemin, il y a quelques années et fait partie de l'association Jacquaire d'Occitanie qui gère le gîte.

Ils sont aux petits soins avec les pèlerins tant et si bien que tous restent à dîner ensemble sur place. Nous étions 8 : C et D, Marie Françoise et un groupe de 4 : Hugues et Christophe (des jumeaux) Véronique et Françoise.

Revel est une bastide médiévale avec une halle centrale autour de laquelle on trouve des maisons à encorbellement et des galeries marchandes 

La visite de la ville est rapide 

Âgé d'environ 90 ans, emmitouflé dans son bonnet et sa grosse veste, il rentre chez lui avec un énorme chou-fleur ( plus de 30 cm de diamètre) sous le bras, "le dernier de son jardin". Je sais bientôt qu'il en a eu certains de 6kg, que c'est beaucoup pour deux, que son muguet est fini depuis 15 jours...

J'aime ces rencontres inattendues et éphémères qui sont bien plus riches et plus denses que ne le laisse supposer le sujet, bien anodin, de la conversation. Il y a dans ses yeux d'un bleu profond, beaucoup de présence et d'expérience.

Et avec ce froid, ça fait chaud au coeur pour quelques kilomètres. 

Le balisage est moins rigoureux, parfois très ancien et effacé, voire inexistant comme cet endroit où le chemin débouche sur un champ. Faut il traverser ? longer le bord ? Sans mon Gps j'aurais été bien en peine de le deviner : il faut traverser et passer sur la terre récemment travaillée. Il faut espérer que les traces laissées par les marcheurs permettront de trouver facilement le chemin quand les cultures auront poussé 

Après les premières et rares marguerites, en voici par champs entiers. J'ai un rapport particulier avec cette fleur. Ma mère en faisait d'immenses bouquets qui trônaient sur la grande table en bois de l'entrée. Ma mère et ma grand-mère aveint un talent fou pour mettre en valeur quelques fleurs sauvages ou du jardin. Je ne sais pas si j'ai hérité de leur talent, mais de leur goût pour les fleurs, ça c'est sûr. Bon promis, je ne parle plus de marguerites. 

Désormais le chemin traverse de nombreux petits hameaux et villages, dont celui de Soreze et son abbaye-école de renommée internationale sous le règne Napoléon, son clocher, seul vestige de son église paroissiale Saint-Martin et ses jolies petites rues avec des façades à encorbellement. 

... Et son café des promenades où il fait bon se réchauffer avec Chantal et Dominique qui m'ont rejointe. 

Il ne reste que 6 km jusqu'à Revel que nous parcourons rapidement, pour aller se mettre à l'abri du vent.

En vrac : 

Le vert des champs de blé 

Le premier coquelicot

Une rose orange au parfum très subtil

Quand la rivière s'appelle "la rivière"

Une maison sur pilotis 

L'abbaye reçoit les pèlerins de Compostelle ainsi que des visiteurs lors de retraites spirituelles, grâce à son hôtellerie :  une "intérieure" réservée aux hommes, l'autre "extérieure" mixte. 

Construit  en 1890, le lieu est impressionnant dès son extérieur. Son église l'est plus encore par ses dimensions mais aussi par son atmosphère très feutrée, sobre, voire intimiste. La lumière y savamment distillée. Rien à voir avec nombres d'édifices religieux très froids et grandiloquents. 

La salle à manger "extérieure" est repartie sur 2 pièces : un grande pour les hommes, une petite pour les pèlerins et les couples. Hier soir, une cinquantaine d'hommes très âgés, qui ressemblent à de vieux prêtres à la retraite, un couple tout aussi âgé et un autre pèlerin avec qui je n'ai pu parler pour observer le silence. 

Certains de ces hommes me dévisagent comme une extra-terrestre, d'autres ont une sourire bienveillant. 

Le plus drôle est de voir tous ces vieux messieurs s'affairer dans la cuisine pour la vaisselle après le repas. Si bien que moi et la seule femme du lieu, n'avons pas pu y rentrer. 

Ce matin, même chose pour le petit déjeuner dans une salle commune cette fois ci, mais toujours en silence ! 

Expérience unique et inoubliable !