Jour 32 - Pedrouzo - Santiago - 20 km

Ce matin je suis prête avant 8:00
Il fait nuit, je n'aime pas marcher avec la frontale, mais je n'aime pas attendre non plus que le jour se lève. 
Je pars. Il bruine un tout petit peu. Je garde ma cape à la main au cas où ça se gâterait. 
Affluence oblige, les halos des frontales sont déjà nombreux sur le chemin. 
Je ne sais pourquoi, mais ce matin, j'ai beau essayer de passer en mode "bonne humeur", ça l'fait pas ! Du coup les km ne défilent pas. 
Objectivement tout va bien, il ne pleut pas, il ne fait pas froid, c'est facile. Mais chaque pas me coûte.

A 10 km, le premier café est le bienvenu ! Je suis rejointe par nos amis québécois qui m'offrent "un café con leche". Le temps de me rechausser, ils sont à peine partis que 2 Français arrivent, 2 Toulousains, Bernard et Bernard. Leur accent qui me parle, leur bonne humeur, et leur jovialité me font du bien. Au point que je repars regonflée comme jamais pour les 10 derniers km. La vitesse s'en ressent. Je cours dans les descentes et je parcours les 2 derniers km en un temps record. 

A Santiago, pas vraiment de ligne marquée entre la ville récente et la vieille ville ( comme les remparts à Lugo). Mais peu à peu les rues se rétrécissent. Comme à Lugo, je m'arrête pour profiter de 2 musiciens de rue qui ne jouent que pour moi. Puis c'est la place de Cervantes. Je suis le flux de personnes, pèlerins et touristes qui empruntent la rue qui descend, longe la cathédrale et débouche enfin sur la place de Obradoiro, illuminée par le soleil.
C'est une très grande et très belle place bordée de la Cathédrale et du palacio de los Reyes devenu un hôtel de luxe. 
Il est 12:15, la place contient déjà beaucoup de monde. 
Inconsciemment, portée par le flot, j'arrive au centre de la place, au km 0 du chemin. 
Ça y est, j'y suis. 
Je suis à Saint Jacques de Compostelle après 827 km de Camino del Norte et de Camino Primitivo. 
Je suis heureuse. 
Mais pas submergée comme je me l'étais imaginé. 
Autour de moi, j'observe toutes les réactions : 
Pas un pèlerin n'échappe à la photo souvenir devant la Cathédrale. Mais les attitudes sont différentes, certains font un V de victoire, d'autres lèvent les bras...
Une pèlerine américaine en pleurs me propose son aide pour que je puisse avoir ma photo. D'autres tombent dans les bras les uns des autres. Certains font des danses de joie. 

De mon côté, après un selfie, j'appelle en vidéo Jean-Marc et les enfants pour partager ma joie, la beauté et l'atmosphère du lieu. Je suis presque plus émue de les voir que de ma propre arrivée. 

Puis je m'écarte un peu du centre de la place pour aller m'asseoir sur le côté. Comme beaucoup de pèlerins, je reste là, longtemps, très longtemps. Je passe une bonne partie de l'après-midi à observer ce fascinant et émouvant spectacle de la rue Acibecheria qui déverse les pèlerins sur la place.
Il y a ceux qui arrivent péniblement, en boitant, visiblement avec des ampoules douloureuses, ceux pour qui cette arrivée semble une délivrance, ceux qui embrassent intensément leurs proches, ceux dont les émotions semblent trop fortes, comme cette jeune femme qui s'assoit à quelques mètres de moi et qui n'en finit par pas de fixer la façade de la cathédrale tout en pleurant. 

Et comme tous convergent vers un même point, ce sont en plus, des scènes de chaleureuses embrassades et de joie des retrouvailles après un, deux, dix jours ou plus de séparation. 
Je retrouve personnellement des pèlerins vus récemment, les 2 Bernard Toulousains, Yves, Esther, le groupe d'Espagnols avec Marta, Laura, Juan Ma, Pepe, Thomas, le groupe d'Allemands ( plus vus depuis Lugo) et d'autres plus vus depuis le Norte Anika, l'Allemande, Dominique et Nancy les Québécois, Perpi 
Et je me rends compte que certains que je connais du Primitivo, connaissent certains que je connais du Norte ! 
Ça donne l'impression d'une très grande fraternité.

En fin d'après midi, après la visite de la cathédrale et une douche à l'Albergue, je retrouve, avec un immense plaisir Andréa, qui lui avait 33 km à faire aujourd'hui. Les retrouvailles sont aussi poignantes que la séparation. Nous prenons una cerveza ensemble et, comme c'est la tradition, nous partons dîner dans Santiago avec nos groupes d'amis respectifs du Camino. 
Lui avec 2 Italiens et une Française, moi avec le groupe d'Espagnols. 
Auparavant, je récupère ma Compostela, le certificat en Latin qui atteste que j'ai marché au moins 100km !

En vrac : 
- L'odeur d'eucalyptus dans la forêt traversée le matin
- la cathédrale en travaux, donc pas de Botafumeiro, cet immense encensoir de 1,50m et 60 kg qui se balance au dessus des pélerins, manipulé par 8 hommes
- le tombeau de Saint Jacques 
- la queue pour faire une accolade à la statue de Saint Jacques
- les joueuses de Gaita et tambourin sur l'escalier recouvert d'arcades (avec une superbe acoustique)  à côté de la cathédrale et qui s'entendent sur toute la place.
- un couple très âgé et attendrissant, qui  marche à pas de fourmi et qui se fait doubler par les pèlerins.
- le principe de tickets qui permet d'obtenir la Compostela, 5 heures plus tard !
- le Mont Gozo
- les croix en herbes et branches sur un grillage




































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