J16 - Carcaboso - Arco de Cáparra - 20km

La prochaine étape fait 38 km. Inenvisageable pour moi. Certes j'ai déjà fait 37 km sur le Norte, mais c'était sous des températures bien plus clémentes qui permettaient d'arriver après 17h. 
Pour couper l'étape en 2, il faut aller dans une albergue qui se trouve à 6km du chemin ( soit 12 km de détour )
Et en partant de Galisteo, cela fait une étape de 30 et une de 27 km. Le couple d'Espagnols, Rosa et José,  retrouvés à l'albergue essaient d'éviter ce détour.  Tchang Bin, dont les pieds sont encore douloureux, est aussi partant pour limiter les km. Et après retournement dans tous les sens, ils en viennent à la même idée. Prendre un taxi jusqu'à Carcaboso soit 10 km puis finir à pied les 20 km. D'autant plus que sur ces 10 premiers km, le Chemin emprunte exclusivement la route. 
Prête à repartir de nuit pour faire les 30 km, je me laisse néanmoins convaincre par l'idée du taxi dont on partagera à 4 la course. Ces 10 km de taxi compenseront les 12 km de détour. Pourquoi pas ? 

Le taxi nous dépose donc à 8h à Carcaboso et quand le vois par où il est passé, je me félicite d'avoir pris cette décision. Aucune place pour marcher au bord de la route, ou très peu, contrairement à toutes les fois où j'avais fait le choix de la route.

Il fait 6°.  Tchang Bin a mis ses gants, Rosa sa doudoune. Nous voilà partis mais moins de 500 m après, déjà arrêtés. Le chemin est bloqué par des barrières qui empêchent l'accès à un pont à moitié écroulé. Après examen de la situation, José s'élance le premier et nous le suivons. Qu'aurais-je fait toute seule ?

Bien vite, mon allure est plus rapide que celle de Rosa et José. Quant à Tchang Bin, ses pieds vont probablement mieux, il a déjà filé. 
Je dis à Rosa y José que je les verrai à Olivas de Plasencia, leur souhaite "buen camino" et file aussi.

La tendance au vert (d'hier) se confirme. Les vaches broutent désormais dans des pâturages verts ! Je ne sais ce qu'elles pouvaient trouver dans ceux très secs des jours précédents. 
C'est d'autant plus agréable qu'il fait frais pour marcher. Et très vite revient le paradis d'hier. Des chênes sur un tapis vert ! 
Cette vision me remplit de bonheur. Et les km défilent. Je retrouve la sensation de la pause divine d'hier : je n'ai ni froid, ni chaud, ni faim, ni soif, ni mal... Au lieu d'être assise, je marche ! Les oiseaux ont ce chant paisible de milieu de journée. Pas celui d'excitation du matin ou du soir, non, cette tranquille conversation entre eux. Seuls quelques cris de vachers viennent sporadiquement troubler cette harmonie. 
Je fais taire la petite voix intérieure qui me dit " ça ne va pas durer ! Jusqu'ici les fins d'étapes étaient toujours difficiles !" et je me concentre sur chaque pas pour emmagasiner encore davantage d'énergie pour le reste de la journée. Je me surprends à avoir le sourire. Depuis combien de temps ? 
Je pourrais marcher ainsi des heures. Jusqu'à Santiago. 
Je marche ainsi plus de deux heures jusqu'à la bifurcation vers l'albergue où je fais une pause. Car mes pieds me ramènent sur terre :  "on a chaud ! Vite des chaussettes sèches !"

Puis je m'engage dans la direction de l'albergue, donc le détour, et alors que je ne le fais que très rarement, j'appelle l'albergue pour m'assurer qu'il y a de la place. Et là, la personne me répond que l'albergue est fermée, et qu'il n'y a plus de places disponibles à la casa rural ( autre forme d'hébergement). L'albergue et la casa rural sont les 2 seuls hébergements possibles sur la commune. La personne en est désolée mais très aimablement me conseille d'appeler l'hôtel Asturias (aussi hors chemin), de poursuivre le chemin jusqu'à l'arc de Cáparra où quelqu'un de l'hôtel viendra me chercher. 
J'ai tellement emmagasiné d'énergie et de calme que cette nouvelle,  plus qu'ennuyeuse en d'autres temps, ne m'affecte pas ! 
Je fais donc demi tour, poursuis sur la voie normale du chemin, appelle l'hôtel qui comme indiqué, confirme que quelqu'un viendra me chercher. 
Désormais le tapis sur lesquels reposent les chênes est un peu moins vert, mais le chemin, à l'ombre, est toujours très agréable. J'arrive sans peine à l'Arco de Cáparra où se termine tranquillement ( et facilement, pour la première fois) cette étape. Une personne de l'hôtel viendra me chercher peu de temps après.

L'étape Carcaboso - Aldanueva ( où je ne suis pas encore) est considérée comme une étape emblématique de la Plata. Elle le sera sans aucun doute pour mon Camino, tant une petite et très bonne étoile a veillé sur ma journée. 


En vrac 
- le bruissement des feuilles de bouleau qui occupe tout l'espace sonore quelques instants
-  La borne, à l'ombre, sur laquelle je m'asseois à la pause est glacée. Je dois m'asseoir sur ma polaire !
- une petite grenouille sèche sur le chemin
- 2 pèlerins espagnols que je double. En grande conversation, tout juste s'ils répondent à mon buen camino. Étonnant ! 
- 30 min après mon demi-tour la personne de l'albergue ( qui s'occupe aussi de la casa rural) me renvoie un message : il a eu une annulation. J'espère que cette place libérée pourra bénéficier à Tchang Bin qui n'avait pas non plus réservé.
- première journée sans ( presque pas de ) crème solaire


Cáparra
C'est une des plus importantes villes romaines (-74 av JC) de la région. Elle a décliné au moyen-âge et l'invasion arabe lui a été fatale.
Il reste d'importants vestiges dont un arc, situé au croisement de 2 rues principales, des ruines de thermes, des restes de chaussée...
Petite pensée pour Patricia et Maurice venus sur la Plata pour retrouver les traces romaines.




José, Rosa, Tchang Bin et moi



























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