Irun - San Sebastian - 23 km

Ça y est, j'y suis. Il n'a pas fallu longtemps pour retrouver les sensations que j'avais éprouvées sur la voie de Tours.
La magie de marcher seul, et pour peu qu'on marche en pleine conscience, sans les perturbations des tracas du quotidien, tout devient événement : 
- Le lever du soleil ( et oui j'étais sur la route à 7:30 et comme il faisait nuageux !!!)
- Un escargot et une limace qui traversent le chemin après la pluie de la nuit,
- Un coin de prairie plus vert sous le soleil
- Des pottoks sur les pentes avec en fond la mer, 
- Un Anglais qui vous dépasse tout guilleret, un autre, assis par terre, au km 4,  qui soigne ses ampoules, 
- Un hortensias sauvage au milieu de nulle part, rappelant la Bretagne 
- Un chant religieux sorti d'on ne sait où, qui accompagne ma marche sur un chemin forestier. Ce dernier s'avère grimper en fait jusqu'au Santuario de la Virgen de Guadalupe où une cérémonie  regroupe plus d'une centaine de personnes
- Des empreintes de moutons dans une portion de chemin bétonnée,
- Un Perrier citron, à la terrasse ensoleillée d'un café après 5 heures de marche. Chemin n'est pas synonyme d'ascétisme !...

J'aurais pu donner encore de nombreux exemples, tant j'ai pris plaisir d'emblée. Je me suis même surprise à sourire indépendamment de ma volonté ! 

Mais à côté de ça, que l'étape a été gratinée en terme de dénivelé !!! A part un km de plat pour sortir de la ville, durant les 3 premières heures j'ai grimpé. J'ai grimpé et encore grimpé jusqu'au Jaizkibel qui culmine à 543 m. ( Irun est au niveau de la mer ) Si encore la pente avait été progressive, mais non elle était parfois très raide et très accidentée. 
Mon allure était si lente que ma montre GPS, qui ne bipe habituellement que quand je m'arrête, bipait là, en permanence. Histoire de m'encourager ou de me démoraliser ? Et c'est là, comme en montagne, que déboule de derrière, un trailer avec son petit short, son tee-shirt fluo, et son bandeau ! Non j'exagère, celui là n'avait pas de bandeau, mais il avait bien un tee-shirt fluo ! Il vous double en trottinant. Vous le retrouvez quelques minutes plus tard, dans l'autre sens, dévalant la pente à toute allure, alors que vous n'avez gravi que quelques mètres.
Au km 6, mon sourire a disparu. Quand je m'en rends compte, je repense au conseil de Christophe André sur le pouvoir du corps sur l'esprit et je m'impose un sourire de façade. Il ne tarde pas à contaminer tout mon corps. Je ne vais pas me laisser miner par quelques mètres de dénivelé !

En haut du Jaizkibel qui surplombe la mer, le vent est froid et une vieille amie me rejoint : la pluie. Pas trop forte mais suffisante pour me contraindre à enfiler ma cape. Pour ceux qui m'ont suivi l'année passée, vous savez, celle qui vous donne une allure de tortue et qui nécessite une technique des plus pointues pour la faire passer par dessus le sac à dos. Un anglais qui s'était aussi arrêté pour mettre la sienne, voyant mes tentatives avortées, me propose de l'aide et je lui rends la pareille. 
Vous allez me dire qu'il n'y a que des Anglais sur le chemin. Les marcheurs étant parfois peu bavards ( j'en connais aussi des très bavards!) à la lumière d'un très bref "Do you need help ?" "Yes thank you", j'en avais conclu qu'il était Anglais. Il s'est avéré, quelques km plus loin être Italien, de la région de Milan !

Après la montée, s'en est suivie une descente de 2h tout aussi raide, pour rejoindre le Donibane et traverser en 2 min, un petit estuaire, à bord d'un petit bateau. Je pensais être sortie d'affaire, mais le chemin s'est à nouveau mis à grimper. A 4 km de San Sebastián, je montais toujours. Avec une certitude, celle d'une descente à venir, San Sebastián étant au niveau de la mer ! 
770m de dénivelé au total, dont je me souviendrai.

Je pourrais encore vous parler de cette étape avec ce vieil espagnol qui m'a abordée, s'est enquis de mon voyage et m'a chaleureusement embrassée en partant. Cet autre,  poète, prophète ou illuminé qui prodiguait des conseils de tout ordre aux pèlerins : position idéale du sac à dos, sur le 3ème œil, sur l'équilibre dans ce monde qui passe par l'ouverture de son coeur...

Mais en résumé,  malgré ou grâce au dénivelé, cette première étape était superbe. La côte, magnifique malgré les nuages, ressemble parfois à la côte de la Bretagne du Nord, en plus vallonnée et avec des maisons basques.
Moi qui voulais du sauvage et du physique, je suis servie.

Ce qui fait événement, c'est ce qui est vivant,
 et ce qui est vivant
est ce qui ne se protège pas de sa perte 
Christian Bobin



















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